Véhicule électrique, quelle est sa place dans l’atteinte de la neutralité carbone ?


Pour commencer

La neutralité carbone s’impose pour lutter contre le changement climatique. En 2050 la France devra être décarbonée, l’objectif consiste à arriver à l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les puits de carbone. C’est aussi un objectif européen.

 

En France l’activité qui génère le plus de gaz à effet de serre est le transport et dans le transport la voiture individuelle arrive en tête loin devant les utilitaires et les camions.

 

La voiture individuelle est très majoritairement thermique et elle utilise principalement de l’essence ou du gasoil mélangés en petite quantité avec des agrocarburants (classe 5 à 10% des volumes en fonction du carburant, E85 exclu) Source : ecologie.gouv.fr.

 

Un point très important concerne notre dépendance au pétrole pour des questions géologiques. Les quantités disponibles toutes sources confondues arrivent à un pic par rapport aux consommations mondiales et l’organisation de nos sociétés et la mondialisation sont dépendants de ce flux énergétique. L’aspect géopolitique est aussi crucial, de qui voulons dépendre et à quelles conditions ?

 

Quelles seraient alors les alternatives pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre des voitures que nous utilisons pour nos déplacements (quand on ne peut pas les remplacer par d’autres types de mobilité) et moins dépendre du pétrole ?

  • Plus d’agrocarburants : cette solution n’est pas possible compte tenu des volumes nécessaires et des surfaces qui seraient mobilisées au détriment de la nourriture et des puits de carbone.
  • La voiture électrique à hydrogène (pile à combustible), cette technologie n’est pas adaptée pour les voitures individuelles car elle aurait un impact beaucoup trop important en termes de ressource, déploiement et consommation énergétique. Cette solution est néanmoins retenue par exemple pour le transport de marchandise.
  • La voiture électrique à batterie

Mais la voiture électrique à batterie est-elle écologique ? C’est une question que l’on entend souvent. Mais on peut poser la même question pour le véhicule thermique.

 

La question de départ est en réalité mal posée.

 

Une meilleure question serait : le véhicule électrique est-il plus écologique que le véhicule thermique ?

Mais que veut-on dire par « écologique » ? Voici les caractéristiques à considérer :

  • Les impacts de sa fabrication et de son utilisation en termes de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son cycle de vie de la voiture (de la mine au rebus)
  • Le rendement énergétique des propulsions
  • Les émissions de particules fines en utilisation (santé publique)
  • La pollution sonore (santé publique)

Sur ces 4 critères la voiture électrique est effectivement plus écologique que la voiture thermique mais plus écologique ne veut pas dire écologique. La marche à pied, le vélo électrique, les transports en commun seront toujours plus écologiques que la voiture électrique.

 

Analyse de plus près de la comparaison thermique / électrique :

  • La voiture électrique émet plus de gaz à effet de serre sur sa fabrication que la voiture thermique (en raison de la métallurgie liée à la fabrication de sa batterie)
  • La voiture thermique émet plus de gaz à effet de serre pendant son utilisation que la voiture électrique
  • Le bilan global fabrication + utilisation sur l’ensemble du cycle de vie est nettement plus favorable à la voiture électrique. Exemple Clio essence : 43 tCO2e, Clio diesel : 38 tCO2e, Zoé : 12 tCO2e (mix électrique France)
  • Le rendement énergétique de la voiture thermique est mauvais, c’est un moteur à combustion dans le rendement est au mieux de 40% en pratique c’est plutôt 20 à 30%, le rendement du moteur de la voiture électrique est meilleur classe 90 %. Attention néanmoins sur ce point 1l d’essence en sortie de raffinerie reste 1l d’essence dans le réservoir (à l’impact près du transport) alors que 1kWh en sortie des moyens de production électrique n’est pas 1 kWh dans la batterie chargée du véhicule.
  • Les émissions de particules de fines du véhicule électrique sont moindres. Pas de combustion car pas d’échappement. Moins de poussières liées au freinage car celui-ci est en partie régénératif (charge de la batterie). Une usure de pneu équivalente sauf pour la grosse voiture électrique dont le poids impose des pneus de plus grandes tailles que son équivalent thermique.

En résumé, la voiture électrique présente un net avantage « écologique » par rapport à la voiture thermique. L’ADEME, dans son avis sur la voiture électrique d’octobre 2022 identifie néanmoins des limites à cet avantage notamment en ce qui concerne la batterie qui doit être de « capacité raisonnable (inférieure à 60 kWh) ».

 

La voiture électrique n’est pas une solution miracle mais en milieu périurbain celle-ci est nettement plus avantageuse que la voiture thermique : CO2, cout au km.

La voiture électrique émet néanmoins du CO2 par sa fabrication, puis à l’usage par sa consommation électrique via la quantité de CO2 de notre mix électrique (classe 60g de CO2 par kWh)

Il est beaucoup plus efficace en CO2 de se déplacer quand on le peut à pied, à vélo, en transport en commun.

 

Batteries, charges, mobilités longues distances

La question de la charge des voitures électriques pour la gestion des pointes de consommation demandera à terme un pilotage spécifique qui n’engendrera pas de difficulté technologique particulière (exemple les heures creuses pour le ballon d’eau chaude).

En revanche l’ADEME identifie les départs en vacances, les chassés croisés comme un point dur à terme avec une flotte importante de voitures électriques de grande capacité qu’il faudrait recharger (puissance appelée trop grande[1]).

Cette hypothèse montre selon l’ADEME que la voiture électrique ne peut pas être l’unique solution pour les mobilités longues distance, d’autres solutions doivent être étudiées : un recours au train plus systématique, étalement des congés, la possibilité de disposer de voiture électrique sur les sites touristiques, des « range extender  (prolongateur d’autonomie) »  

 

La voiture électrique dans le périurbain

La voiture électrique « raisonnable » (< 60 kWh) n’a pas l’universalité qu’offre la voiture thermique (longue distance/courte distance, temps de « charge ») mais elle répond néanmoins parfaitement aux besoins de mobilité du quotidien en milieu périurbain et pour les trajets domicile travail ce qui correspond à plus de 80% de nos usages. Ordre de grandeur : le recours à la recharge sur le parcours avec des véhicules de 300 km d’autonomie est estimée à 5 jours par an pour 80% des conducteurs.

Retour d’expérience : cout au 100 km pour une citadine VW e-up (autonomie 260 km, 32 kWh) = 2€ (conduite écologique)

 

Remarque générale

La consommation d’énergie d’une voiture qu’elle soit électrique ou thermique dépend significativement de sa conduite. Plus d’accélération, plus de vitesse demande plus d’énergie.

 

Hybride rechargeable

L’ADEME évoque dans son avis le recours à des voitures hybrides rechargeables à court terme pour répondre à d’éventuels besoin de forte autonomie et considère que cette technologie peut être pertinente en matière de transition écologique. Toutefois cette pertinence est conditionnée par le fait que tous les trajets inférieurs à l’autonomie électrique de la voiture soient effectivement réalisés en mode électrique pour ce qui implique une recharge quotidienne de la batterie

 

Recyclage des batteries

Le recyclage des batteries est très souvent évoqué. Actuellement la filière n’est que très peu développée en raison du peu de voitures électriques arrivées en fin de vie. Le recyclage va se faire progressivement en fonction de la montée en puissance des batteries arrivant en fin de vie.

Les batteries en attente de recyclage peuvent être parfaitement être stockées sans que les métaux qui les composent se dégradent.

Contrairement au véhicule thermique les métaux des batteries peuvent être récupérés en quasi-totalité alors qu’un 1l d’essence ou de gasoil consommé est perdu à jamais.

La réutilisation des batteries en fin de vie (ayant 70 à 80 % de leur capacité) est aussi étudiée comme alternative à des systèmes de stockage de l’énergie.

 

Nouvelle dépendance

Le passage à la voiture électrique comme l’ensemble de la transition énergétique va nous faire passer d’une dépendance aux énergies fossiles à une dépendance aux métaux. Les besoins vont croitre de façon exponentielle. Aurons-nous les ressources ?

 

Regard

Aucune extraction qu’elle soit de minerais de pétrole de gaz ou de charbon n’est écologique (production de résidus, déchets, utilisation d’eau, de produits chimiques, destruction d’écosystèmes…). Il y a des capacités d’extraction de minerai en Europe et même en France (lithium par exemple pour les batteries) mais cela implique des sites miniers qui sont très mal acceptés sous nos latitudes. Les pays développés préfèrent exploiter des sites dans des régions et des pays où les conditions d’exploitations sont plus souples écologiquement et les autorités plus tolérantes bien souvent au mépris des populations locales.

 

Sources :

 

[1] Recharger une batterie de 60 kWh en 2mn comme on ferait le plein d’une voiture essence correspond à la puissance électrique moyenne appelée simultanément par 1500 foyers.

Écrire commentaire

Commentaires: 0